
Les compétences et la gestion du temps.
J’ai vécu une expérience que j’aimerai partager. Pour me permettre d’avoir un petit investissement pour ma jeune entreprise « Futur’en’Action », je fais de l’intérim.
Mais j’ai une particularité : Lorsque je me trouve une mission et que celle-ci me plait, j’ai tendance à m’investir dedans comme si c’était ma propre entreprise qui était en jeu. Et un truc que j’essaye toujours, c’est d’optimiser la gestion du temps.
Des compétences plutôt prisées.
En général, ce que cherche un employeur, c’est quelqu’un d’autonome, qui s’adapte, qui donne des idées et qui s’investit dans son travail. C’est le cas dans un emploi « normal » (CDI), mais c’est souvent le cas pour d’autres contrats dont les missions intérims. Et pourtant, surtout aujourd’hui où les jeunes ne veulent plus travailler comme leurs parents autrefois, il est difficile pour un employeur de trouver quelqu’un avec ces qualités, surtout si ce travail est physique.
Ca fait pourtant parti de mes qualités si le job me plait. En fait, je réfléchis comme si c’était mon entreprise. De fait, par exemple, je déteste le gaspillage : que ce soit le gaspillage d’objet ou celui du temps. Une autre particularité, j’adore ranger ! J’aime la logistique car c’est tout une organisation et j’adore quand il faut organiser, (re)mettre en place, inventorier, classer, jeter ce qui est inutile, réparer ce qui peut l’être etc.
Le job qu’on me propose.
Une agence intérim me propose un job de manutentionnaire. J’accepte dans la mesure où en général, c’est plutôt facile à faire, pas besoin de réfléchir plus que ça, il faut utiliser ces muscles… Et là il fallait beaucoup les utiliser puisque le principe était de bouger des morceaux d’échafaudage. Masse d’une pièce : 10 – 15 kg en général. Vu que mon ambition n’était pas d’y rester mais d’y faire un temps d’un mois au plus, j’ai accepté sans me poser plus de question.
Une petite précision : j’habite en Guadeloupe. C’est un peu particulier de travailler là bas, les gens sont… différents… Ni moins bien ni mieux mais il faut s’adapter !
J’arrive là bas, je fais la connaissance de Pascal, responsable du parc (entreposage des pièces d’échafaudage), de la logistique, des commandes pour les chantiers, de trouver des solutions quand il y a des problèmes, des réparations quand il en faut et de bien d’autres choses. Cela faisait plusieurs mois qu’il demandait de l’aide et soit les personnes n’allaient pas, soit on leur demandait d’aller sur les chantiers pour monter les échafaudages : du coup au bout d’un moment, Pascal se retrouvait seul, incapable de tout faire et se contentant de faire l’urgence ou de bosser 10 heures par jour, samedi compris. C’est à peu prêt la situation quand je suis arrivé. D’ailleurs, j’ai commencé un lundi matin et sur les trois intérimaires commandés… j’étais le seul ! (je vous l’ai dit… un peu différent ici ! ) Et ça ne semblait choquer personne. Moi ça m’amusait un peu.
Vu que j’étais seul le lundi, il m’a pris avec moi, nous sommes allé au parc et il a pu voir d’ambler comment je travaillais : autonomie, sérieux, capable, prenant des initiatives etc.
Au fur et à mesure de nos conversations, il me disait que ce qu’il avait besoin, c’était quelqu’un capable de gérer le parc car celui-ci était vraiment en désordre. Il fallait inventorier, ranger, vider les containers qui arrivaient, charger les véhicules de chantier des équipes de monteurs. J’ai très rapidement assimilé ce dont il avait besoin et ça me passionnait (pour les raisons décrites plus haut). J’avais juste hâte d’être plus autonome et de faire le job.
Mais… (car il en faut bien un)
Compétences et gestion du temps.
Le mardi, les deux autres intérimaires ont démarré eux aussi et la semaine suivante une autre personne est arrivée. Comme de juste, les deux premiers sont allés sur les chantiers mais le dernier a intégré l’équipe de Pascal. Excellente personne, très compétente, capable de faire beaucoup de choses et surtout deux qualités que j’apprécie particulièrement (surtout que je ne l’ai pas à ce point 😉 ) : la persévérance et le fait de trouver des solutions quand il y a des difficultés !
Mais…
Une chose manquait : une vraie autonomie ! La parc est à un kilomètre du bureau. Pascal qui avait une camionnette (neuve car entre temps la voiture de société qu’il avait a été troquée contre celle-ci, un commercial entre temps a démissionné et une troisième voiture était là de temps en temps et de temps en temps disparaissait… on ne sait où… ça n’a l’air de rien cette parenthèse mais ça a son importance pour le reste du récit).
Pascal était sans arrêt obligé de me ramener soi sur les chantiers (quand il y avait lieu), soit au parc ou ailleurs. Comme il n’avait que son véhicule, je ne pouvais pas être indépendant et faire mon boulot. Pourtant cela faisait plusieurs jours qu’il réclamait une voiture que je pourrais utiliser régulièrement. Et cette voiture qui disparaissait de temps en temps, j’ai pu l’utiliser parfois… mais seulement parfois.
Et donc souvent (trop souvent) j’étais là à attendre de longues minutes (et par seulement moi) que Pascal finisse ce qu’il avait à faire pour pouvoir faire mon boulot. Tout ça parce que l’entreprise n’était pas capable de mettre un véhicule à ma (notre) disposition.
Freinage d’urgence !
La fin de cette histoire c’est passé 5 semaines plus tard. Le vendredi de la 4ème semaine, je me retrouvais au parc. A cause de la chaleur et d’avoir trop forcé la veille, j’allais plutôt doucement dans mon boulot : physiquement, c’était plutôt dur (j’ai quand même 50 ans… quand même 😉 ). A utiliser mon smartphone un peu trop (avec de la musique ! ), celui-ci n’avait plus de batterie et du coup, je n’avais plus l’heure et j’étais dans l’impossibilité d’appeler qui que ce soit pour venir me chercher. Un peu avant midi, ayant vraiment trop forcé et n’ayant plus de force, j’ai arrêté de bosser, ai doucement commencé à ranger mes affaires etc. Pour voir l’heure, j’ai redémarré mon portable espérant juste voir qu’elle s’affiche : 12h… et évidemment personne ne venait, Pascal était comme d’habitude à son boulot. Cela a commencé à m’énerver un peu, j’ai pris la décision de rentrer à pied. Dans une région où les gens roulent n’importe comment et où il n’y a que peu de trottoir ou d’endroit où marcher pour un piéton, c’était un peu dangereux ! Mais il était midi, un vendredi (donc fin de semaine) : je commençais un petit peu à m’énerver !
J’ai donc marché 20 mn sur la route que Pascal aurait prise et de ce fait, nous nous sommes croisés : il a pu me ramener au bureau, mais il a bien vu que je n’étais pas content. Je lui ai donc dit que si lundi, je n’avais pas un véhicule à ma disposition, j’arrêtais.
Et le lundi, sa responsable ayant pris la décision qu’il ne pouvait pas y avoir de véhicule pour moi, j’ai arrêté car j’ai un peu tendance à faire ce que je dis !
Une gestion du temps à revoir !
Et pourtant, j’avais pris la décision de continuer plusieurs semaines (voir mois) à mi-temps car Pascal avait vraiment besoin de ma compétence, parce que ça me passionnait et que je me disais que ça me permettait d’avoir de bonnes expériences humaines (j’avais déjà eu quelques leçons personnelles bien senties ! mon orgueil en avait pris un bon coup et c’était très bien ! )
Mais la vraie question de cet article est : « qu’ont-ils perdu ? »
En dehors de ma compétence (après tout je suis sur de ne pas être le seul ! 😉 ), leur gestion leur ont fait perdre beaucoup d’argent !
Une entreprise, c’est : des rentrées d’argent (grâce aux clients, et ça ils en avaient) et des sorties d’argent (salaire, matériels, outils, véhicule, loyer etc).
Et qu’est ce qui fait souvent qu’une entreprise coule ? La mauvaise gestion de celle-ci. Et qu’on soit en France métropolitaine, en Guadeloupe ou ailleurs, c’est une règle commune, universelle.
Qu’est ce que j’entends par mauvaise gestion du temps ?
Il y a certes le patron ou les employés qui peuvent mettre les mains dans la caisse (bon ça c’est illégal même). Mais il y a surtout… le gaspillage !
Gaspillage d’objet.
Rien que ça coute cher. L’employé qui prend une rame de papier pour chez lui (allé ! l’entreprise n’est pas à 2 euros prêts tout de même ! ), l’ouvrier qui perd ou casse un outil (qui peut aller de 2 euros à 500 000 euros voir plus ! ). l’ouvrier qui gaspille du matériel parce qu’il lui prend l’envie de le couper en deux alors que son utilisation devait se faire entière, en un morceau ! (ce jour là 1500 euros de perdu ! ). Bien sur, des erreurs, ça peut arriver. Ca rentre en ligne de compte dans les prix des clients en règle générale. Mais l’incompétence et le vol ne devrait pas arriver !
Et quand il y a incompétence (et à moins que la personne soit vraiment ingérable), une ou des formations sont nécessaires. C’est indispensable ! Il ne s’agit pas de virer toutes les personnes qui manquent de compétences bien sur, ce serait un non sens. Mais il s’agit de leur apprendre à faire mieux.
Gaspillage dans la gestion du temps.
Voilà ce qui coûte le plus cher à une entreprise ! Car ce n’est pas quelque chose qui se voit tout de suite, c’est un calcul que l’on doit faire, une enquête à entreprendre (qui peut prendre du temps), des observations plus ou moins poussées ! Quand on perd un tournevis, on sait qu’on a perdu 15 – 20 euros. C’est concret ! Quand on perd du temps, c’est quelque chose qui ne se voit pas tout de suite. Et pourtant !
Sur ces 5 semaines, j’ai dû perdre 2 heures par jour parce que j’étais dépendant de Pascal. Mes collègues ont dû en moyenne perdre aussi 30 mn par jour (c’est une moyenne d’autant que l’un d’eux n’a pas été renouvelé entre temps).
2 heures 30 par jour en 5 semaines, c’est donc 65 heures.
Nous sommes payés 10,15 euros de l’heure plus la partie patronale (25 % pour simplifier) 12,68 euros de l’heure.
65 x 12.68 = 824,20 euros perdus pour un mois de travail parce qu’on ne pouvait pas être autonome. Et là, je ne fais pas rentrer le temps perdu par Pascal qui devait me ramener au parc ou ailleurs… Et combien coute la location d’une voiture ? Environ 300 euros par mois en Guadeloupe.
Voilà ce qu’a perdu l’entreprise pendant ces 5 semaines. Avait elle besoin de moi (ou des compétences que je représentais) ? Assurément ! Je pense que Pascal, s’il continue à bosser comme il le fait (sachant qu’il n’est pas capable de dire « non » et qu’il accepte les choses comme elles sont (ce qui pourrait être bien dans d’autres circonstances mais dans celle-ci, c’est destructeur ! ) risque le burn-out et donc d’être d’autant moins performant, voir de démissionner. Et croyez moi sur parole, l’entreprise a vraiment besoin de ses compétences !
Alors, au fond je devrais m’en foutre un peu. Après tout, ce n’est qu’un job de plus dans lequel j’ai appris beaucoup, personne n’est parfait et c’est normal que l’on puisse faire des erreurs.
Pourtant, la gestion du temps est souvent une donnée qui est rarement prise en compte dans les entreprises. Et croyez moi, vu mon parcourt, j’ai vraiment beaucoup d’expérience…
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